[Malesherbes, France]

Ouverture du plus grand musée de l’imprimerie d’Europe

Voir l’album consacré à l’AMI dans la galérie Flickr de l’AEPM ici.

Le 28 septembre dernier est arrivé un nouvel acteur majeur dans le monde du patrimoine graphique européen avec l’ouverture de l’Atelier-Musée Imprimerie (AMI) à Malesherbes, 70 kilomètres au sud de Paris. Créé par Jean-Paul et Chantal Maury, l’AMI offre au visiteurs plus de 5,000 m2 d’exposition et d’ateliers pratiques où l’on peut fabriquer du papier, marbrer, composer, imprimer et relier. Quelque 700 objets y sont exposés, dont 150 machines (sélectionnées parmi les 300 que le Musée possède à ce jour).

Vue générale de l’exposition principale.

De tels chiffres ne seraient bien sûr pas exceptionnels pour un musée des beaux-arts, d’histoire naturelle ou des techniques. Mais pour un musée de l’imprimerie ils sont tout-à-fait exceptionnels, tout comme le Musée lui-même qui est remarquable à tous point de vue: par sa taille et l’importance de ses collections ; par la qualité de sa présentation et moyens de médiation ; par sa localisation loin des lieux où se concentre traditionnellement le patrimoine graphique; et, surtout, par sa volonté d’étendre le champ de l’histoire de l’imprimerie jusqu’au XXIe siècle.

Jean-Paul et Chantal Maury lors de l’inauguration de l’Atelier-Musée Imprimerie le 24 octobre 2018. (Photo AEPM.)

L’Atelier-Musée Imprimerie est exceptionnel aussi par ses origines et la manière dont il a été créé. Car ce musée privé a été voulu, défendu et patiemment élaboré par l’un des principaux industriels du monde graphique français, Jean-Paul Maury et sa complice (et femme) Chantal. Jean-Paul Maury est issu d’une famille d’imprimeurs originaires de Millau dans l’Aveyron, dont l’entreprise se transmet de père en fils depuis 1850. Quant à l’entreprise Maury Imprimeur, dont le siège se trouve à Malesherbes, elle est depuis de longues années l’un des plus importants groupes d’impression français, avec sept usines et 1 300 employés.

Ce qui a permis au couple Maury de consacrer des moyens financiers très importants à la réalisation de leur projet qu’ils ont porté, contre vents et marées, pendant plus de quinze ans. La création d’un musée de cette envergure n’est jamais chose simple. Mais pour un industriel de la trempe de Jean-Paul Maury les aspects logistiques de la conception muséographique et la réalisation d’un musée de cette importance étaient maîtrisables malgré leurs complexité. Moins maîtrisables, en revanche, étaient les périodes d’indifférence institutionnelle que le projet a dû traverser au gré des changements de contexte politique. Heureusement, face à la détermination de Jean Paul et Chantal Maury, les institutions ont fini par se rallier au projet que rien ne semblait en mesure d’arrêter!

L’arrivée des invités lors de l’inauguration.

Ainsi, l’Atelier-Musée Imprimerie fut officiellement inauguré le 24 octobre, un mois après son ouverture au public en présence de plus de 800 personnes venues de France et de bien au-delà: imprimeurs, éditeurs, graphistes, historiens de l’imprimerie, spécialistes du patrimoine, politiques, collectionneurs, citoyens du Loiret et de sa région…

Au moment même où l’avènement du numérique nous oblige à porter un nouveau regard sur la future contribution de l’imprimerie aux progrès de la civilisation et de la démocratie, et nous condamne à réinventer la manière dont nous appréhendons ses liens intimes avec les médias numériques, l’ouverture de l’Atelier-Musée Imprimerie est à saluer comme un apport majeur à la valorisation du patrimoine graphique.

L’Atelier-Musée Imprimerie offre un aperçu de l’évolution de l’imprimerie et de l’imprimé depuis Gutenberg jusqu’au numérique en passant par les Lumières, la Révolution industrielle et les apports de la photographie et de l’électronique. Les thématiques et intitulés des différents sections de l’exposition soulignent les continuités qui traversent l’évolution de la communication graphique et la pertinence de l’histoire de l’imprimerie à l’heure des médias numériques: le premier des médias ; le triomphe de l’écrit ; des arts et des métiers ; le monde, une graphosphère. De même, la coexistence dans l’exposition de machines, de produits imprimés, de films et outils numériques de médiation, et même de dispositifs numériques de production, situe bien l’évolution technique par rapport a celle de la société. Le rôle joué par l’imprimerie dans la circulation des idées et la diffusion de la connaissance est constamment à l’esprit, tout comme l’évolution des métiers graphiques et des modes de communication : l’édition et le livre ; la presse périodique ; la gravure, les procédés photomécanique et la couleur ; et le rôle de l’imprimerie comme le premier des médias de masse. Une histoire longue de cinq siècles et demi de quasi hégémonie sur la diffusion des informations et des connaissances en Occident, jusqu’à l’avènement des médias audiovisuels puis numériques au cours du vingtième siècle.

Mais le cœur de l’AMI est l’imprimerie industrielle, et l’un des aspects les plus originaux est la place accordée à la deuxième moitié du XXe siècle et à ses prolongements numériques au XXIe. S’il est tout-à-fait inédit de voir plusieurs presses rotatives de grande taille côtoyant des machines anciennes, parfois très rares, il est tout aussi surprenant de les voir à côté des pièces issues de la période contemporaine devenues aujourd’hui introuvables malgré leur jeune âge (la Lumitype 550, par exemple qui date des années 1960). Un grand nombre des machines exposées – toutes impeccablement restaurées – est en état de marché et peut servir aux démonstrations, voire à la production.

Depuis une trentaine d’années, les historiens et autres analystes des médias, parfois obnubilés par la nouveauté et l’essor fulgurante des médias audiovisuels et, plus récemment, numériques ont tendance à considérer que l’histoire de l’imprimerie est un chapitre clos dans l’histoire de la communication: important certes, mais largement déconnecté de l’émergence et des usages des médias numériques. À tort bien sûr, car nous évoluons plus que jamais dans le graphosphère (pour reprendre le titre de l’une des sections de l’exposition) dont le passée, le présent et le future son inextricablement liés et ne peuvent pas être compris sans tenir compte de la coexistence et l’interaction mutuelle des médias devenus complémentaire, et tous – y compris les industries graphiques – en évolution constante et mutuellement interdépendante.

Renseignement pratiques

Ouvertures et horaires

Du 28/09/2018 au 30/06/2019:
fermé le lundi
mardi à vendredi: 09:00 – 17:30
samedi: 14:00 – 17:30
dimanche: 10:00 – 13:00, 14:30 – 17:30

Du 01/07/2019 au 31/08/2019:
lundi au vendredi: 10:00 – 18:30
samedi: 14:00 – 18:30
dimanche: 10:00 – 13:00 et 14:30 – 18:30

Fermeture le : 25 décembre, 1er janvier et 1er mai.
Parking gratuit.
Accessibilité aux personnes à mobilité réduite.
Audioguides gratuit en français et en anglais.